L’OSINT regroupe des pratiques distribuées (sources, acteurs, finalités variés) sans cadre juridique stabilisé, alors qu’une PPL d’encadrement est annoncée fin 2025.
Le champ est instable : hétérogène, peu prédictible, traversé de normes multiples et de chaînes d’action fragmentées.
La modélisation fonctionnelle sert de grille d’évaluation non prescriptive fondée sur trois conditions : recevabilité, maîtrise du risque résiduel, évaluabilité des effets.
Elle distingue effets attendus, inverses/paradoxaux (chilling, externalisation, opacité) et latents (compliance mimétique, déports de controverses…).
Six chantiers critiques sont analysés : définition de l’OSINT, divulgation/leaks, statut des hackers éthiques, veille automatisée, interfaces renseignement–citoyens, protocoles de traitement de leaks transfrontaliers, avec des pistes de cadrage (statut, finalité, nature des données, etc.).
- Conditions conjointes de soutenabilité : aucune régulation viable sans effets recevables, risques résiduels maîtrisés et effets évaluables.
- Vigilance sur les effets non voulus : chilling, contournement, opacité et effets latents peuvent neutraliser l’objectif de la loi.
- Approche différenciée par axes : appliquer la grille aux 6 chantiers (définition, leaks, statut, veille, interfaces, protocoles) et prioriser un cadrage clair par statut des acteurs, finalité, nature des données.
Introduction à l’OSINT
L’OSINT (Open Source Intelligence) désigne l’ensemble des méthodes d’acquisition, de traitement et d’analyse d’informations librement accessibles, en vue de produire une connaissance exploitable.
Il s’agit d’un ensemble de pratiques distribuées, mobilisées par des acteurs aux logiques très différentes : services de renseignement, journalistes, chercheurs, collectifs citoyens, experts en cybersécurité, analystes privés.
L’OSINT se caractérise par :
- la diversité des sources (sites web, forums, réseaux sociaux, données publiques, bases techniques, documents fuités, images satellites…) ;
- la diversité des finalités (veille, investigation, alerte, documentation, attribution, contre-enquête, renseignement d’intérêt public…) ;
- la diversité des modalités techniques (scraping, corrélation de données, cartographie, rétro-ingénierie, automatisation…).
Aucune norme stabilisée ne délimite à ce jour ce qui relève légitimement de l’OSINT, ni quels usages doivent ou non faire l’objet d’un encadrement juridique.
Pour les régulateurs comme pour les praticiens, cette absence de cadre fait émerger une zone aussi floue que sensible, où toute intervention législative risque de produire des effets systémiques difficiles à anticiper ou à stabiliser.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la proposition de loi relative à l’encadrement de l’OSINT (France, fin 2025).
Cet article examine six zones critiques où la régulation envisagée pourrait produire des effets difficilement interprétables par les juges, non maîtrisables par les régulateurs, ou contre-productifs pour les usagers.
Hypothèse de travail : un système normatif instable
Le champ visé par la future réglementation présente toutes les caractéristiques d’un système instable : il est hétérogène, non stabilisé, faiblement prédictible, et traversé par des tensions contradictoires entre sécurité, transparence, innovation et souveraineté.
En l’absence de norme explicite stabilisée, il produit déjà des effets régulateurs de fait, fondés sur des pratiques ou décisions prises de manière non centralisées, au sein :
- d’une multiplicité d’acteurs aux logiques hétérogènes (chercheurs, services d’État, sociétés privées, journalistes, collectifs militants, communautés open source, groupes activistes, acteurs étatiques étrangers) ;
- d’une pluralité de normes applicables, sans cadre harmonisé (droit pénal, RGPD, droit de la sûreté, droit de l’information, droit international, cadre cyber, directives NIS2…) ;
- de mécanismes régulateurs observables, sans base juridique stabilisée (divulgations responsables, analyses publiques de fuites, enquêtes par recoupement, programmes de bug bounty, procédures internes de gestion de crise) ;
- d’un contexte à faible prédictibilité des effets : l’impact d’une régulation future demeure difficilement anticipable, du fait de l’opacité des pratiques en marge, de la rapidité des répliques techniques et de la diversité des échelles d’intervention.
Cadre d’analyse mobilisé : la modélisation fonctionnelle des systèmes régulés instables
La modélisation fonctionnelle est conçue pour analyser les effets produits par un système normatif composite et instable, à partir d’un ensemble de paramètres structurels (contraintes juridiques, acteurs impliqués, temporalité, modes d’action, traces, échelles de jugement, etc.).
Elle agit comme un cadre d’analyse formel, directement mobilisable pour anticiper les effets systémiques d’une régulation.
Non prescriptive de norme ou de règle de conduite, elle permet d’observer, structurer et anticiper les effets systémiques produits par les conditions dans lesquelles un effet, tel qu’une publication, une reconnaissance de statut ou une modification de pratique, peut être interprété comme recevable par une instance légitime de jugement, ou comme soutenable dans un cadre contraint.
Plus précisément, elle permet :
- d’évaluer si un effet peut être reconnu comme recevable par une instance de jugement légitime (parlement, juge, autorité indépendante) ;
- de vérifier que les risques associés à cet effet demeurent contenus dans la zone résiduelle acceptable ;
- de déterminer si les effets produits sont évaluables au regard d’un cadre de référence interprétable, qu’il soit juridique, technique ou organisationnel.
Ces trois conditions ne sont pas des prescriptions, mais des seuils structurels minimaux permettant à une régulation de produire des effets soutenables, plutôt qu’un effet de surface ou une désorganisation involontaire.
Cette modélisation ne vise pas à justifier un dispositif, mais à tester la soutenabilité de ses effets dans un système à faible prédictibilité.
Trois types d’effets à surveiller
Dans le cadre d’un encadrement législatif d’un système instable comme l’OSINT, cette modélisation fonctionnelle permet d’identifier non seulement les effets explicites attendus, mais aussi les dynamiques systémiques susceptibles de produire des effets non anticipés, latents ou paradoxaux.
Cette section en propose une typologie étendue.
a) Effets régulateurs attendus
Sous réserve que les conditions de recevabilité, d’évaluabilité et de maîtrise du risque soient remplies, un encadrement bien calibré pourrait produire certains des effets régulateurs suivants :
- Clarification du cadre juridique de l’OSINT ;
- Encadrement des pratiques de divulgation de failles critiques ;
- Reconnaissance protectrice du rôle des hackers éthiques ;
- Sécurisation des relations entre acteurs publics et communautés d’expertise ouverte ;
- Renforcement d’un dispositif d’alerte interprétable et recevable ;
- Facilitation de la coopération internationale sans asymétrie normative ;
- Stabilisation des pratiques techniques aujourd’hui tolérées mais non encadrées.
b) Effets inverses ou paradoxaux
- Effet chilling : inhibition des démarches éthiques ou investigatrices ;
- Externalisation des pratiques : contournement juridique par délocalisation ou fragmentation ;
- Renforcement de l’opacité étatique ou privée : la réglementation pourrait produire un effet d’occultation plutôt que de transparence, en rigidifiant les canaux d’accès ou en modifiant les dynamiques de divulgation ;
- Fragmentation de la légitimité : multiplication des statuts concurrents (label étatique, communauté, autorité technique) ;
- Polarisation du débat entre sécurité nationale et libertés publiques, sans espace de régulation fonctionnelle.
c) Effets latents non anticipés
Certains effets peuvent émerger sans avoir été anticipés par le dispositif légal.
Ce sont des effets latents : ils ne relèvent ni d’un contournement volontaire, ni d’une opposition déclarée, mais apparaissent comme réorganisation du système à partir de la contrainte introduite, tels que :
- Apparition de stratégies d’apparente conformité (compliance mimétique) ;
- Déport des controverses vers d’autres champs (journalisme, design open-source, langage génératif, etc.) ;
- Disqualification de collectifs exerçant une fonction régulatrice effective, sans reconnaissance formelle ;
- Dépendance accrue aux référents techniques désignés, sans garantie de soutenabilité éthique ou juridique ;
- Réorientation des flux d’expertise vers des plateformes ou infrastructures non européennes, limitant la souveraineté technique ;
- Effacement ou désactivation des mécanismes auto-régulateurs existants dans certaines communautés ouvertes.
Conditions de soutenabilité d’une régulation OSINT
Une régulation soutenable dans ce champ repose sur trois conditions cumulatives, directement issues du formalisme de la modélisation fonctionnelle. Ces conditions permettent de s’assurer que les effets produits par la norme seront structurellement tenables, vérifiables et compatibles avec le cadre normatif déclaré.
1/ Recevabilité normative explicite
Les effets produits doivent pouvoir être jugés recevables par une instance de jugement identifiable et légitime (législateur, juridiction, autorité administrative indépendante, ou mécanisme formalisé d’évaluation).
À défaut, la norme risque de générer des effets indéterminés : non qualifiables juridiquement, ou exposés à des requalifications divergentes selon les contextes d’application. Cela accroît le risque d’instabilité jurisprudentielle et de controverses récurrentes.
2/ Maîtrise du risque résiduel
La régulation ne doit pas induire d’effets collatéraux excédant le seuil acceptable de risque.
Cela suppose une capacité à anticiper les détournements, réappropriations ou effets inversés qu’elle pourrait produire, notamment en situation de tension géopolitique, de fragmentation technique ou d’instrumentalisation opportuniste.
3/ Évaluabilité des effets visés
Les objectifs de la régulation doivent pouvoir être traduits en effets évaluables au regard des normes mobilisées. Il ne peut y avoir de soutenabilité sans capacité à mesurer, interpréter ou vérifier les effets produits dans un cadre contraint, qu’il soit juridique, technique ou déontologique.
***
Ces trois conditions agissent comme des garde-fous structurels dans la conception d’une norme applicable à un système instable.
Leur absence expose à la production d’effets symboliques, non contrôlables ou contre-productifs.
Une régulation dont les effets ne peuvent être évalués produit un effet de régulation apparente : elle peut être invoquée dans le discours, mais demeure non vérifiable, non défendable, et non ajustable.
L’évaluabilité devient ainsi la condition minimale de robustesse, de responsabilité et de légitimité.
Application de la modélisation fonctionnelle à six chantiers OSINT critiques
Le cadre d’analyse peut être appliqué à six chantiers critiques, dont trois font l’objet d’un débat parlementaire en cours, et trois autres prolongent les logiques de régulation identifiées dans des zones encore peu cadrées mais structurellement concernées.
Ces chantiers relèvent de systèmes instables, hétérogènes et à faible prédictibilité, pour lesquels les effets produits par une régulation ne peuvent être qualifiés ni interprétés de manière soutenable sans cadre analytique rigoureux.
Ce cadre permet d’y évaluer, pour chaque axe :
- la recevabilité normative des effets produits ;
- la maîtrise du risque résiduel associé ;
- leur évaluabilité au regard des normes mobilisées.
Les axes concernés sont les suivants :
- Définition juridique de l’OSINT ;
- Dénonciation et encadrement des divulgations de vulnérabilités zero-day et de leaks (phase de publication initiale) ;
- Statut des « hackers éthiques » ;
- Pratiques de veille algorithmique automatisée (phase amont) ;
- Interfaces floues entre renseignement et investigation citoyenne (phase intermédiaire) ;
- Protocoles de traitement public des données issues de leaks transfrontaliers (phase aval).
a) Définition juridique de l’OSINT
Risque structurel : figer une définition trop opérationnelle (centrée sur les outils ou techniques) ou intentionnaliste (fondée sur les motivations supposées de l’acteur) risquerait de produire des effets d’exclusion du champ normatif recevable. Cela pourrait concerner le journalisme d’investigation, la veille universitaire, la cartographie participative ou d’autres formes de contribution citoyenne.
Une telle définition pourrait également créer une frontière artificielle entre pratiques désignées comme admissibles et pratiques disqualifiées sur la base de critères techniques ou subjectifs, sans considération des effets réels produits dans l’espace public.
Analyse fonctionnelle : veiller à ce que les effets produits par une définition soient recevables par une instance légitime de jugement, évaluables de manière stable malgré l’évolution des pratiques, et non contournables par simple requalification technique.
Cela suppose un cadre juridique capable de distinguer les effets régulateurs effectifs d’une simple désignation formelle, et de rester interprétable sans figer prématurément le périmètre normatif applicable aux contributions citoyennes ou investigatrices.
b) Divulgation des vulnérabilités et gestion des leaks
Risque structurel : un encadrement trop rigide des modalités de divulgation pourrait produire un effet inverse à celui recherché : dissuader les signalements responsables, tout en laissant intactes les logiques d’exploitation opportuniste ou malveillante.
Ce déséquilibre affaiblirait les mécanismes de correction collective, tout en réduisant la transparence des chaînes de remédiation.
Analyse fonctionnelle : pour qu’une telle régulation soit soutenable, elle ne doit pas déplacer le risque vers des zones inaccessibles à l’évaluation normative ou technique, mais au contraire contribuer à stabiliser les conditions de recevabilité publique de certaines divulgations.
Cette stabilisation est particulièrement cruciale lorsque ces divulgations participent, même partiellement, à des dynamiques de sécurité partagée ou de protection de l’intérêt collectif.
Elle suppose l’identification d’instances légitimes de jugement, qu’elles soient techniques (CERT, ANSSI), institutionnelles (CNIL, juridiction), ou mixtes, fondées sur des critères publics, vérifiables et applicables de manière non arbitraire.
Il convient également d’intégrer la dimension temporelle des divulgations, en distinguant les divulgations immédiates, différées ou coordonnées, afin d’éviter que la norme n’invalide des pratiques historiquement à l’origine d’évolutions notables en matière de résilience ou de transparence.
c) Statut des hackers éthiques
Risque structurel : la reconnaissance d’un statut formel, en l’absence d’un cadre d’usage explicite, transparent et proportionné, peut produire des effets inverses à ceux recherchés.
Elle peut notamment favoriser une labellisation déconnectée des pratiques contributives réelles, ou engendrer des tensions entre sources de reconnaissance institutionnelle et reconnaissance fonctionnelle fondée sur les effets produits dans des dynamiques de sécurité collective.
Ce désalignement affaiblirait les mécanismes distribués de vigilance, en excluant de fait certaines contributions significatives du champ de la régulation légitime.
Analyse fonctionnelle : pour qu’un tel statut produise des effets soutenables dans un système instable, trois conditions cumulatives doivent être réunies :
- il doit être évaluable au regard de critères explicites (qualification, traçabilité, référentiels publics), permettant de relier l’attribution du statut à des effets objectivables et vérifiables ;
- il doit être recevable par une autorité de jugement clairement identifiée, sur la base de critères interprétables et non arbitraires ;
- il ne doit pas générer d’effet d’éviction à l’encontre de pratiques non labellisées mais objectivement contributives à la sécurité publique ou à la résilience technique, y compris en dehors des cadres institutionnels.
Enfin, la soutenabilité d’un tel statut suppose qu’il n’entraîne pas une homogénéisation excessive des critères de légitimation, au risque d’inhiber les formes d’autorégulation distribuées historiquement à l’origine d’effets régulateurs soutenables dans ce champ.
d) Pratiques de veille algorithmique automatisée
Risque structurel : une régulation formulée de manière trop générale, ou reposant exclusivement sur des critères techniques, risque de ne pas reconnaître les effets régulateurs produits par certaines pratiques automatisées non institutionnalisées (par exemple : scripts de veille, scrutateurs périodiques, dispositifs d’alerte communautaire).
Elle pourrait également fragiliser juridiquement l’usage d’outils de signalement public contribuant à des effets d’alerte recevables, dès lors qu’ils sont déployés en dehors de structures de régulation formelle.
En l’absence de reconnaissance explicite, la norme peut favoriser l’apparition de zones de contournement non évaluables, ou rendre inopérantes des chaînes d’action fragmentées pourtant actives.
Analyse fonctionnelle : pour que la régulation soit structurellement soutenable dans ce champ, deux conditions sont requises :
- les effets produits par les dispositifs automatisés doivent être explicitement évaluables, au regard d’un cadre de référence partagé (juridique, technique ou déontologique), permettant leur interprétation stable ;
- la régulation doit reconnaître la diversité des pratiques existantes, y compris lorsqu’elles s’appuient sur des outils open source, des architectures distribuées ou des logiques de veille informelles non structurées.
L’objectif est de préserver les effets d’alerte historiquement produits par des dispositifs non centralisés, tout en évitant que la régulation n’impose des obligations formelles inapplicables ou non vérifiables dans des contextes à chaînes d’action fragmentées.
e) Interfaces floues entre renseignement et investigation citoyenne
Risque structurel : l’absence de qualification explicite des zones d’interaction entre les pratiques de renseignement étatique, les démarches d’investigation citoyenne et le journalisme d’enquête peut produire des effets opposés :
- une réinterprétation a posteriori défavorable de certaines démarches contributives (par exemple : recoupements open source, analyses croisées, veille archivistique), exposant ces pratiques à une exclusion procédurale ou à une disqualification juridique non anticipable ;
- ou, inversement, une forme de délégation fonctionnelle non formalisée à des collectifs ou acteurs informels, sans cadre explicite de recevabilité ni de responsabilité structurée.
Cette instabilité fragilise les conditions d’interprétation des effets produits, notamment lorsqu’ils sont évalués par une instance tierce (tribunal, autorité administrative, organe de régulation), en dehors du contexte initial de leur production.
Analyse fonctionnelle : pour garantir la recevabilité normative des effets, il est nécessaire d’établir un cadre de qualification fondé sur les effets objectivables produits dans l’espace public, leur traçabilité, et leur évaluabilité au regard des contraintes normatives applicables (juridiques, techniques ou déontologiques), indépendamment du statut formel de l’acteur ou de sa visée déclarée.
Une régulation soutenable doit pouvoir distinguer, de manière opérationnelle, les démarches investigatives contribuant à une régulation distribuée (ex. : signalement, mise en visibilité d’un écart, analyse indépendante), des pratiques mimétiques ou manipulatoires (ex. : diffusion volontaire de faux leaks, simulations de transparence, pratiques d’inversion de légitimité) susceptibles d’affaiblir durablement la fonction de vigilance distribuée exercée par certains collectifs dans l’espace public.
f) Protocoles de traitement public des données issues de leaks transfrontaliers
Risque structurel : en l’absence d’un cadre de traitement stabilisé, les données issues de fuites transnationales produisent des effets à faible prédictibilité, notamment en raison des conflits de souveraineté entre les territoires d’origine, les canaux de diffusion, et les espaces de réutilisation.
Cette absence de convergence ouvre la possibilité d’effets structurellement ambivalents : diffusion stratégique sous apparence d’alerte publique, réexploitation hors contexte à des fins de déstabilisation interprétative, ou requalification divergente d’un même jeu de données selon les juridictions (illégalité dans un État, recevabilité ailleurs).
Ce brouillage affecte la lisibilité des chaînes de confiance (origine, intégrité, finalité), et compromet la recevabilité juridique, probatoire ou déontologique des traitements secondaires, notamment lorsque ceux-ci produisent des effets publics irréversibles.
Analyse fonctionnelle : pour qu’un protocole de traitement public soit soutenable dans un système hybride, il doit produire :
- des effets évaluables (traçabilité des étapes critiques, possibilité de vérification croisée, documentation ouverte des chaînes de traitement) ;
- des effets recevables au regard d’un cadre normatif reconnu, même partiellement, par les instances susceptibles d’en juger les effets (autorité publique, organisme de presse, juridiction, instance intersectorielle).
Il convient d’identifier les échelles pertinentes de jugement (juridique, administratif, professionnel ou médiatique) afin que les effets induits (publication, réutilisation, diffusion secondaire) puissent être qualifiés comme des effets régulateurs, c’est-à-dire comme des effets interprétables, stabilisateurs ou légitimes au regard des contraintes structurelles du système.
L’objectif n’est pas de normaliser l’ensemble des flux, mais de rendre soutenables les effets produits, dans un environnement où les cadres juridiques, techniques et médiatiques ne coïncident pas nécessairement, mais peuvent néanmoins converger dans l’évaluation des conséquences.
En synthèse
Axe | Effet à anticiper | Risque structurel |
---|---|---|
Définition juridique de l’OSINT | Inclusion ou exclusion arbitraire de certaines pratiques | Disqualification de démarches citoyennes, investigatrices ou contributives non formellement labellisées |
Divulgation des vulnérabilités et gestion des leaks | Inhibition des signalements ou exploitation opportuniste | Perte de transparence, affaiblissement des mécanismes correctifs, déplacement hors évaluation publique |
Statut des « hackers éthiques » | Reconnaissance opérante ou labellisation déconnectée | Tensions entre reconnaissance formelle et contributions effectives, risque d’éviction des pratiques utiles |
Pratiques de veille algorithmique automatisée | Encadrement différencié selon nature et outil | Invisibilisation ou disqualification de dispositifs non institutionnels produisant des effets régulateurs |
Interfaces floues renseignement / investigation citoyenne | Qualification différenciée selon l’acteur | Risque d’exclusion ou de délégation informelle non cadrée, requalification a posteriori instable |
Traitement public des données issues de leaks transfrontaliers | Requalification, brouillage, non-recevabilité probatoire | Ambivalence structurelle, conflits de souveraineté, effets non maîtrisables ni interprétables durablement |
Le cadre d’analyse mobilisé sur ces six chantiers permet d’analyser la soutenabilité d’une régulation dans un environnement à faible prédictibilité.
Ce, par sa capacité à modéliser, qualifier et évaluer les effets systémiques potentiellement induits par un encadrement législatif, au regard des conditions de recevabilité, de traçabilité et d’interprétabilité des effets dans un système instable.
Conclusion
Dans un contexte où la volonté de régulation est légitime mais exposée à des instabilités structurelles, l’analyse fonctionnelle permet d’évaluer la soutenabilité des effets produits par une intervention normative, à partir des conditions propres au système visé.
Elle outille une lecture formelle des conditions minimales requises pour que des effets puissent être reconnus comme régulateurs, recevables et évaluables, selon trois critères :
- recevabilité par une instance de jugement explicite ;
- soutenabilité des risques résiduels ;
- évaluabilité au regard des normes mobilisées.
Appliqué au champ de l’OSINT, ce cadre permet d’identifier, pour chaque axe envisagé, les points de fragilité structurelle, ainsi que les conditions d’activation soutenable d’un effet normatif, sans formulation prescriptive ni positionnement normatif.
Rappelant que cette analyse des effets normatifs n’a aucune visée prescriptive, elle permet de dégager sept logiques de cadrage* que le législateur pourrait explorer s’il souhaite encadrer l’OSINT sans entraver les pratiques démocratiques, professionnelles ou investigatrices légitimes.
Ces pistes, non exclusives, offrent des repères pour penser une régulation de l’OSINT soutenable et différenciée.
* Cadrage par : statut des acteurs, finalité de l’usage OSINT, nature des données ou des sources mobilisées, chaîne de traitement, impact sur les droits fondamentaux, niveau de reproductibilité technique.
Les trois logiques de départ (statut, finalité, nature des données) sont les plus directement transposables dans un cadre législatif clair et opérant.
Les autres peuvent enrichir les travaux préparatoires, les débats parlementaires, ou apparaître en second niveau de complexité, dans des rapports, des outils d’évaluation, ou des lignes directrices post-loi.
Voir BibTeX (@article)
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Voir BibLaTeX (@online)
@online{metalexis2025pplosintregulationrisquestructurel, author = {{MetaLexis}}, title = {PPL OSINT : une r{{\'e}}gulation {\`a} haut risque structurel}, date = {2025-08-06}, url = {https://metalexis.org/analyses-fonctionnelles/osint/ppl-osint-regulation-risque-structurel/}, urldate = {2025-09-28}, langid = {french}, keywords = {OSINT, hackers {{\'e}}thiques, leaks, PPL OSINT, r{{\'e}}gulation, veille algorithmique}, note = {Disponible sur metalexis.org} }
Voir RIS
TY - ELEC TI - PPL OSINT : une régulation à haut risque structurel AU - MetaLexis PY - 2025 DA - 2025-08-06 UR - https://metalexis.org/analyses-fonctionnelles/osint/ppl-osint-regulation-risque-structurel/ KW - OSINT KW - hackers éthiques KW - leaks KW - PPL OSINT KW - régulation KW - veille algorithmique LA - fr PB - MetaLexis ER -